EN EUROPE, L’APRÈS QUI SE PRÉPARE, par François Leclerc

Billet invité.

Prévue pour fin octobre 2019, la campagne pour la succession de Mario Draghi à la tête de la BCE a déjà commencé. La question est d’importance étant donné le rôle primordial que celle-ci a joué dans la stabilisation de la crise européenne de la dette souveraine et des polémiques que ses mesures suscitent en Allemagne.

Jens Weidmann, le président de la Bundesbank, est sur les rangs et donné favori, le tour d’un Allemand étant venu d’après les commentateurs, après le Français Jean-Claude Trichet et l’italien Mario Draghi. Mais il lui faut réunir un consensus autour de sa candidature, et il s’y prépare. À ceux qui critiquent la politique de taux bas de la BCE qui pénalisent les rentiers et retraités allemands, dont le ministre Wolfgang Schäuble, le candidat non déclaré a fréquemment fait remarquer que les Allemands n’étaient pas seulement des épargnants, mais aussi des propriétaires et des contribuables, qui en ont au contraire profité.

Opportunément, la Bundesbank a fait état de recherches aux termes desquelles les programmes de la BCE – achats de titres et baisse des taux – ont permis aux contribuables allemands d’économiser 240 milliards d’euros, bien au-delà de la centaine de milliards d’euros estimés par l’Institut Leibniz. La faiblesse des taux de la dette allemande sur le marché que la BCE a suscité en serait à l’origine, les investisseurs allant jusqu’à acheter des titres au rendement négatif en payant pour placer leur capitaux à l’abri des turbulences financières.

En tentant de désamorcer par avance les critiques de la BCE que son élection pourrait encourager, le candidat veut se donner des marges de liberté, laissant entendre qu’il ne va pas jouer les éléphants dans un magasin de porcelaine en modifiant brutalement sa politique. Alors que Mario Draghi tient tête – en tout cas pour l’instant – face aux pressions en faveur de l’arrêt progressif de ses mesures qui s’intensifient. Elles risquent d’ailleurs de se renforcer si la Fed, qui continue de faire preuve de circonspection en raison du faible niveau de l’inflation américaine, devait décider en septembre prochain d’entamer le processus de réduction de son bilan, même à titre symbolique.

Anormalement bas au regard de leur historique, les taux obligataires devraient remonter si l’on en croit les attentes de ceux qui anticipent un retour à la normalité qu’ils affirment voir venir. Mais le moins que l’on puisse dire est que les banques centrales ne favorisent pas une telle hausse en restant très prudentes. Car elles ont le plus grand mal à en estimer les conséquences sur des marchés qui, avec le temps, ont pris leurs aises. Comment évaluer la fragilité des montages financiers de ceux qui empruntent pour investir ? là étant l’essentiel de l’activité financière. Augmenter les marges ici, c’est les réduire là. En Europe, la hausse des taux obligataire risquerait de mettre en difficulté les États les plus endettés, l’Italie au premier chef. Une chose est de ne pas réaménager la dette – pour éviter sa restructuration – une autre est de mettre de l’huile sur le feu en en renchérissant sont coût…

Alors qu’il est attendu d’Angela Merkel, une fois réélue, une inflexion de la politique allemande qui s’annonce symbolique, destinée à ce que Emmanuel Macron puisse sauver les apparences, il appartient à Jens Weidmann de donner des garanties sur le cadre dans lequel elle pourra être poursuivie. Car l’héritage de Mario Draghi reste fragile, la relance économique s’étant révélée ne pas être de ses compétences. Lui ayant gagné du temps, son successeur pourra-t-il avoir une autre ambition ? La continuité va l’emporter sur le changement.